Malgré la volonté affichée du gouvernement d’accélérer la transformation digitale des processus administratifs et juridiques, aujourd’hui encore, seuls les huissiers de justice ont le droit de dématérialiser les injonctions de payer civiles… Une situation paradoxale que dénonce la FIGEC.

Chaque année, près de 400 000 injonctions de payer sont envoyées en France auprès des tribunaux, dont 250 000 sont émises par les sociétés financières et les sociétés de médiation financière. Depuis 2011, seuls les huissiers de justice ont la possibilité, en matière civile, d’envoyer ces requêtes de manière dématérialisée, via la plateforme IPweb.

« Les personnes morales, dont les sociétés de recouvrement de créances ont pour leur part toujours l’obligation de déposer auprès du tribunal leur injonction de payer sous format papier, précise Charles Battista, Président de la FIGEC. Certes, la loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice prévoyait la mise en place d’une juridiction nationale pour le traitement dématérialisé des injonctions de payer (la JUNIP), à compter du 1er janvier 2021. Entre la promulgation de cette loi et la fin du premier confinement, la FIGEC, en étroite collaboration avec la magistrate en charge de ce dossier, a d’ailleurs mené des travaux pour développer une application spécifique pour toutes les personnes morales, permettant la dématérialisation de ces injonctions de payer. Malgré tous nos efforts pour la mise en place de cette JUNIP, le gouvernement a annoncé en juin dernier son report à septembre 2021. Pire ! Aujourd’hui, le dossier est ajourné ! ».

En effet, Le projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire avait, à l’origine, prévu le report de l’installation de la juridiction unique nationale des injonctions de payer (JUNIP) au 1er septembre 2023, mais le gouvernement a présenté le 19 mai dernier, un amendement afin de la supprimer purement et simplement.

Une décision à l’encontre d’une justice numérique

Un paradoxe à l’heure où (notamment depuis le début de la crise sanitaire), l’Etat impose à l’ensemble des sociétés françaises de dématérialiser au maximum leurs activités avec une impulsion forte pour soulager les tribunaux et accélérer les temps de réponse aux justiciables. « D’autant que la dématérialisation de ce processus génèrerait des gains de temps considérables et une diminution des couts de traitement pour tous les acteurs concernés, ainsi qu’une sécurisation accrue et un meilleur suivi des procédures en injonction de payer », ajoute Charles Battista.

Au-delà de cette contradiction, la mise au pilori de la JUNIP et le fait de devoir encore aujourd’hui mandater un huissier de justice pour déposer une injonction de payer dématérialisée créer, pour toutes les personnes morales, une nouvelle distorsion de concurrence et une non-égalité de fait devant la loi.

Un traitement à deux vitesses que la FIGEC continue de dénoncer. « Pour la FIGEC, le sujet n’est pas tant la mise en place de la JUNIP, mais l’accès à l’injonction de payer dématérialisée en direct pour ses entreprises, à un prix recommandé « équitable », via par exemple le système IPweb, conclut Charles Battista. Nous allons donc de nouveau saisir la Chancellerie sur ce sujet, pour remettre le dossier sur la table afin de nous apporter une réponse, que nous espérons rapide ».